SANTE ENVIRONNEMENTALE : LES CONSEQUENCES SANITAIRES DE L'INCENDIE DE LUBRIZOL
L'association Rouen Respire a publié le 18 mai dernier les résultats de son enquête visant à évaluer l'impact sanitaire de l'incendie des sites Lubrizol et Normandie Logistique.
Lancée le 24 janvier 2020 et clôturée le 10 mars suivant, cette enquête de santé a reçu 565 réponses de personnes pour la plupart adhérente à l'association et particulièrement concernée par les conséquences de l'accident. Si l'échantillon est peu représentatif, les résultats de l'enquête procure néanmoins quelques premières indications sur l'ampleur de l'impact sanitaire de l'incendie. 90% des personnes ayant répondu vivent à moins de 10 kilomètres de l'accident. Elles ont toutes été touchées par plusieurs conséquences de l'incendie : odeurs, panache de fumée, retombées des plaques de fibrociment amiantées, retombées de suies… Outre les bâtiments, plus de 9 000 tonnes de produits stockés dans les entrepôts des deux exploitants étaient en effet partis en fumée le 26 septembre 2019.
La très grande majorité des répondants a ressenti plusieurs symptômes, dont certains ont persisté plusieurs mois. Seuls 3% d'entre eux affirment n'en avoir ressenti aucun. Outre l'anxiété, tout particulièrement chez les femmes enceintes et allaitantes, l'enquête révèle que la population la plus exposée aux odeurs émanant de l'incendie a souffert de troubles respiratoires, de symptômes ORL et de céphalées. L'enquête révèle également qu'« un symptôme atypique a été noté de façon récurrente : "goût métallique dans la bouche" ».
Les conséquences de l'accident sur le mode de vie des personnes consultées sont également importantes : 46 % ont quitté leur domicile dans les jours qui ont suivi l'incendie, 81 % ont changé leurs habitudes, en particulier concernant la consommation d'eau courante et l'alimentation. La commercialisation de l'ensemble des productions agricoles avait d'ailleurs été suspendue jusqu'à la mi-octobre par le ministère de l'Agriculture dans une zone couvrant 216 communes. L'association souligne dans son rapport que l'Agence de sécurité sanitaire (Anses) avait émis des réserves lors de la levée des restrictions et demandé de mettre en place un dispositif de surveillance renforcé, en particulier pour le lait.
L'association Respire relève également les expositions toxiques auxquelles a été confrontée la population. « La signature chimique de l'incendie, analysée dans les boues de la darse, a révélé des hydrocarbures totaux, de très nombreux HAP, particulièrement du benzopyrène, deux PCB, et certaines dioxines », indique l'ONG. À cela s'ajoute l'amiante qui était contenu dans les toits en fibrociment de certains entrepôts partis en fumée. Elle rappelle que « Ces produits ont des effets sanitaires à long terme ».
Au vu des résultats de sa propre enquête, et malgré ses limites méthodologiques, l'association Respire attire l'attention des autorités sur de possibles insuffisances des études officielles lancées concernant les conséquences de l'accident. L'ONG estime en effet que « La zone géographique d'impact réel est plus importante que la trajectoire du panache, et mérite exploration, en tenant compte de la dispersion secondaire des polluants et du possible phénomène de bio-accumulation de certains toxiques dans les chaînes alimentaires. L'amiante doit être prise en compte dans ses particularités ».
L'association réclame la mise en place d'un registre des cancers, des enquêtes suivies auprès des maternités, sages-femmes, gynécologiques et pédiatres, ainsi que l'utilisation de biomarqueurs (sang, urines, cheveux, lait maternel). Et de conclure : « La connaissance qui en découlerait permettrait un suivi sur le long terme des populations impactées, comprenant un dépistage ciblé des éventuelles pathologies identifiées et leur prise en charge ».
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